Protection animale : mais que fait la police (du monde entier) ?
Lors de la dernière journée mondiale des animaux, le 4 octobre 2024, un évènement unique a été organisé par l’ONG World Animal Justice et l’association française Les 4 Pattounes dirigée par la capitaine de police Céline Gardel. Ce webinaire (replay ici et en français ici), a réuni des officiers de police de 5 pays (France, USA, GB, Belgique, Suisse), fortement engagés. Voici leurs 10 recommandations pour renforcer la protection des animaux et l’application des lois anti-cruauté.
10 recommandations pour renforcer la protection animale
- Réaliser que les infractions contre les animaux sont une priorité de sécurité publique : là où il y a maltraitance animale, il y a souvent maltraitance humaine. Enrayer la maltraitance animale contribue donc aussi à détecter et à réprimer les violences contre les humains. Protéger les animaux permet donc de renforcer la sécurité de tous, humains et animaux inclus.
- Augmenter la disponibilité du personnel formé au sein des forces de l’ordre : là où il y a maltraitance animale, il y a souvent maltraitance humaine. Enrayer la maltraitance animale contribue donc aussi à détecter et à réprimer les violences contre les humains. Protéger les animaux permet de renforcer la sécurité de tous.
- Mieux former les policiers et tous les acteurs de la réponse pénale : il est essentiel d’offrir des formations complètes aux forces de l’ordre, ainsi qu’aux élus, avocats, enquêteurs, magistrats, sur les lois relatives au bien-être animal et la prévention de la cruauté. Cela garantira que tous les acteurs impliqués dans la réponse pénale disposent des compétences nécessaires pour traiter les infractions contre les animaux.
- Augmenter le soutien et les ressources alloués par les gouvernements : les États doivent allouer des ressources accrues, y compris des financements pour mieux protéger les animaux contre les infractions dont ils sont victimes, et garantir la disponibilité de refuges adaptés pour accueillir les animaux secourus, assurant ainsi leur prise en charge pendant et après les enquêtes.
- Établir des unités spécialisées dans les infractions contre les animaux : créer des unités dédiées au sein des forces de l’ordre permettrait de surveiller et de répondre plus efficacement aux infractions liées aux animaux. Avec l’octroi des autorisations nécessaires pour mener à bien leurs missions, ces unités permettraient la mise en œuvre d’une réponse plus rapide, tout en renforçant l’application des lois en vigueur.
- Avoir des refuges adéquats et assurer la prise en charge des animaux victimes : les autorités doivent garantir que les forces de l’ordre aient accès à des refuges appropriés pour la réhabilitation des animaux victimes. Il est également crucial que les magistrats prennent en compte l’avenir des animaux confisqués pour éviter qu’ils ne soient laissés en refuge après les procédures judiciaires.
- Renforcer les cadres législatifs par les politiques et les législateurs : élus et législateurs doivent renforcer les lois de protection animale, veillant à ce que les cadres législatifs soient suffisamment solides pour lutter contre la cruauté envers les animaux et le trafic. Les législateurs doivent tenir compte du lien entre les violences causées aux animaux et aux humains afin d’assurer la sécurité de tous comme objectif prioritaire.
- Améliorer la collaboration des forces de l’ordre avec les juges et procureurs : il est crucial de sensibiliser les autorités judiciaires à leurs responsabilités en matière de protection animale. Les décisions judiciaires doivent intégrer des mesures pour prévenir les récidives et garantir une prise en charge adéquate des animaux.
- Accentuer la lutte contre le trafic d’animaux : la police doit être équipée des outils nécessaires pour détecter les signes de trafic d’animaux et collaborer avec les gouvernements pour renforcer les mesures légales, dissuadant ainsi les contrevenants et poursuivant activement ceux impliqués dans le commerce illicite d’animaux. Les douaniers jouent un rôle clé pour dissuader ce trafic interdit de certaines espèces d’animaux domestiques et sauvages.
- Promouvoir la sensibilisation du public et l’éducation des jeunes au bien-être animal : il est indispensable d’encourager les plus jeunes par des programmes éducatifs sur le bien-être animal, la prévention de la maltraitance, afin de promouvoir une culture de respect et de responsabilité humaine envers les animaux.
Justice : des “stages alternatifs à la peine”
Dans le cadre d’une convention signée entre l’association les 4 Pattounes (France)et certains parquets, un magistrat peut condamner une personne reconnue coupable de maltraitance envers un animal à verser 150 euros à l’association de protection animale afin d’y effectuer « un stage alternatif à la peine ». Cette journée de stage obligatoire fait intervenir un policier, un vétérinaire et un éducateur canin. Ce stage permet de rappeler au contrevenant la législation applicable en matière de protection animale et lui donne les informations essentielles pour s’occuper correctement de son animal, tout en le sensibilisant aux besoins de son animal et à son bien-être. A ce jour, six parquets ont signé cette convention (Castres, Saint-Gaudens, Albi, Cahors, Foix et Montauban).
Quand une association forme policiers et magistrats en France
Depuis 2019, Céline Gardel et son équipe de l’association les 4 Pattounes ont formé plus de 5500 policiers et gendarmes sur l’ensemble du territoire français à la nécessité de protéger aussi les animaux, ainsi que des élus (maires et préfets), en collaboration avec les autorités judiciaires comme les procureurs, en impliquant l’ensemble des acteurs de la réponse pénale aux infractions impliquant les animaux.
Quand les shérifs s’en mêlent
Dans une résolution votée en 2022, l’International Association of Chiefs of Police (IACP) soutient les policiers américains sur plusieurs points essentiels : elle souligne que la cruauté envers les animaux est un crime dans tous les États américains, puni par des sanctions pénales, et rappelle aux forces de l’ordre leur obligation d’appliquer ces lois. La résolution encourage la collaboration avec d’autres agences américaines, comme les associations de contrôle animalier, pour améliorer la collecte et le partage des données à travers le National Incident-Based Reporting System (NIBRS), renforçant ainsi les enquêtes.
Cette approche permet aux policiers d’utiliser des outils forensiques sophistiqués pour mieux protéger les animaux et les personnes vulnérables, comme les enfants et les personnes âgées. En intégrant ces enquêtes dans leur travail quotidien, les forces de l’ordre renforcent à la fois la sécurité publique et le bien-être communautaire, car les crimes contre les animaux sont souvent liés à d’autres formes de violence, comme les violences domestiques ou le trafic de drogue.
Bien que cette résolution s’adresse principalement aux forces de l’ordre américaines, l’IACP est une organisation internationale et ses principes et recommandations peuvent également servir de modèle pour les forces de l’ordre dans d’autres pays.
“Une seule violence”
Il est nécessaire d’avoir suffisamment de moyens humains et matériels pour assurer la sécurité de tous : Humains et Animaux victimes en tant qu’êtres vulnérables. Par exemple, il serait indispensable de mener une enquête sur les éventuels humains victimes (femmes, enfants) de violences domestiques lorsqu’un cas de maltraitance animale est signalé. Réciproquement, lorsque des violences familiales sont signalées, il faudrait rechercher s’il y a des animaux à la maison car ils sont probablement victimes aussi. Assurer la sécurité de tous est un impératif sociétal. C’est pourquoi les politiques et les législateurs doivent mettre un point d’honneur pour lutter contre les violences et abus envers tous les individus qui en sont victimes.
Police anti-maltraitance : petit tour du monde…
Voici quelques pays où l’on trouve des unités de police spécialisées dans les infractions contre les animaux :
- États-Unis : De nombreuses villes et comtés disposent d’unités de police ou d’agents dédiés à la protection des animaux, souvent en collaboration avec des organisations comme l’ASPCA.
- Canada : Certaines provinces, comme la Colombie-Britannique et l’Ontario, ont des unités au sein de la police qui se concentrent sur les infractions contre les animaux, en collaboration avec des sociétés de protection animale.
- Australie : Des agences comme la RSPCA ont des enquêteurs qui travaillent avec la police pour traiter les cas de cruauté envers les animaux.
- Royaume-Uni : La RSPCA a des inspecteurs formés qui travaillent en étroite collaboration avec les forces de l’ordre pour enquêter sur les cas de maltraitance animale.
- Allemagne : Certaines villes ont des unités au sein de la police qui se consacrent à la protection des animaux et à la mise en œuvre des lois sur le bien-être animal.
- Pays-Bas : La police néerlandaise collabore avec des organisations de protection animale pour traiter les infractions et s’assurer du bien-être des animaux.
Protéger les animaux, c’est aussi protéger les humains
Mark Randell, Enquêteur senior et Responsable de campagne chez NatureWatch Foundation au Royaume-Uni. Mark Randell est à l’initiative du Plan en 9 Points à ce sujet.
La collaboration entre tous les acteurs chargés de la réponse pénale est essentielle pour répondre plus efficacement aux infractions de cruauté envers les animaux et améliorer non seulement le bien-être animal, mais aussi la sécurité et la sûreté pour tous.
Siobhan Chase, Sergent des services de police de Fairfax, Division dédiée aux animaux aux USA. Siobhan Chase est en lien avec l’International Association of Chiefs of Police (IACP) ayant publié la Résolution de 2022 pour renforcer la protection des animaux et mieux lutter contre les violences.
Former les forces de l’ordre, collaborer avec les magistrats et les élus, sensibiliser les plus jeunes, sont des actions essentielles à développer pour mieux protéger les animaux.
Céline Gardel, Capitaine de Police, Fondatrice de l’association “Les 4 Pattounes” (France). Céline Gardel est à l’initiative des stages alternatifs à la peine et nombreuses formations proposées aux policiers et aux élus mis en place par les 4 Pattounes afin de mieux prévenir, détecter et lutter contre les maltraitances animales.
À la douane, les animaux ont le statut légal de “marchandises”. Le profit est le nerf de la guerre du trafic d’animaux et tant que la demande demeure pour de nouveaux animaux, les réseaux continueront à exister, surtout avec les nouveaux moyens de télécommunication comme les réseaux sociaux.
Julien Neirynck, Garde-frontière, spécialiste en solutions de sécurité en Suisse. Ancien douanier, il est aujourd’hui spécialisé dans l’exploitation du renseignement et la lutte contre la fraude documentaire.
Au vu des innombrables interactions humains-animaux, leur impact évident sur l’ordre public et les liens indéniables entre condition humaine et animale, dissocier le respect humain du respect de l’animal semble illogique. Protéger la société, c’est la protéger dans son ensemble.
Julien Lacave, Officier de Police à Bruxelles, fondateur du réseau “Belgian Animal Law Enforcement Network” (BALEN) en Belgique